Cette semaine sur les marchés – L’envol des colombes

Nathalie Benatia, BNP Paribas Asset Management

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Les décisions et les commentaires des derniers jours ont convaincu les observateurs que 2024 allait bien marquer le début de la baisse des taux directeurs dans les économies développées.

Constater que la réunion de politique monétaire de la Réserve fédérale américaine (Fed) a été l’événement de la semaine passée n’est pas faire injure aux autres banques centrales qui ont réuni leur comité ces derniers jours. Que faut-il retenir de la décision de la Fed? Comment va évoluer la politique monétaire, aux Etats-Unis et ailleurs, dans les prochains mois?

En route vers les baisses des taux directeurs

Les décisions et les commentaires des derniers jours ont convaincu les observateurs que 2024 allait bien marquer le début de la baisse des taux directeurs dans les économies développées.

Même la Banque du Japon (BoJ), qui a mis fin le 19 mars à sa politique de taux négatif, n’a pas adopté un ton agressif. La BoJ a également abandonné officiellement sa politique de contrôle de la courbe des taux (YCC – Yield curve control) tout en confirmant qu’elle allait poursuivre son programme d’achat de titres. Les déclarations du Gouverneur Ueda n’ont pas permis de clarifier ses intentions pour la suite.

La Banque centrale d’Australie (RBA) a maintenu son taux directeur inchangé mais a supprimé du communiqué le biais haussier et estime que les risques sur l’inflation sont plus équilibrés. La Banque d’Angleterre (BoE) a maintenu son taux de base à 5,25%. Les deux membres qui avaient voté en faveur d’une remontée du taux directeur lors de la réunion de février ont, cette fois-ci, opté pour le statu quo, qui recueille ainsi 8 voix contre une pour une baisse immédiate. Le Gouverneur a indiqué que «nous n’avons pas encore atteint le stade auquel nous pourrons réduire les taux d’intérêt mais nous avançons dans la bonne direction».

La Banque nationale suisse (BNS) est devenue le 21 mars la première banque centrale du G10 à baisser son taux directeur (de 1,75% à 1,50%). La BNS précise dans son communiqué que «cette décision tient compte de l’atténuation de la pression inflationniste et de l’appréciation du franc en termes réels enregistrée l’année écoulée». Alors que l’inflation s’est inscrite à 1,2% en glissement annuel en février, la BNS a revu nettement à la baisse sa prévision (1,4% en 2024, 1,2% en 2025 et 1,1% en 2026 en moyenne). Autrement dit: mission accomplie!

Plusieurs colombes font un beau printemps  

La publication en février et mars de chiffres d’inflation supérieur aux attentes, illustrant la rigidité à la baisse de l’inflation dans les services, avait conduit les investisseurs à anticiper le report de quelques mois des baisses attendues des taux directeurs. En quelques semaines, la probabilité d’une première baisse du taux objectif des fonds fédéraux américains à l’issue de la réunion du 1er mai est passée de près de 100% à moins de 10%. Le risque pour les marchés financiers était la disparition totale des anticipations de baisse en 2024.

L’inflexion dovish qui ressort des conclusions des réunions de politique monétaire des derniers jours est, de ce point de vue, une bonne nouvelle. Notons que la Banque centrale européenne (BCE) a joint sa voix à ce concert en multipliant, depuis le Conseil des Gouverneurs du 7 mars, les déclarations laissant clairement entendre qu’une baisse interviendra en juin.

Comme on pouvait s’y attendre, c’est seulement après avoir pris connaissance des conclusions de la tant attendue réunion du FOMC (Federal open market committee) de la Fed que les investisseurs ont été pleinement rassurés.

Et la Fed, alors?

Aucune baisse des taux n’était attendue le 20 mars mais un doute subsistait sur le message que le FOMC allait choisir de relayer à travers ses prévisions de croissance, d’inflation et de taux directeurs. Avec la révision en nette hausse de la croissance du PIB au dernier trimestre de 2024 (de 1,4% à 2,1% en glissement annuel) et l’hypothèse d’une croissance à 2,0% en 2025 et 2026 (soit au-dessus du potentiel, chiffré à 1,8%), la Fed semble valider le scénario de ralentissement en douceur de l’économie.

En outre, si l’inflation a été revue à la hausse pour fin 2024 (de 2,4% à 2,6%), les prévisions pour 2025 et 2026 n’ont pas changé, ce qui tend à prouver que la Fed n’est pas particulièrement préoccupée par les chiffres supérieurs aux attentes observés pour janvier et février. Une phrase de Jerome Powell est apparue particulièrement rassurante: «en soi, une solide croissance de l’emploi ne nous paraît pas une raison d’être inquiets sur l’inflation».

Cette analyse valide l’hypothèse que les gains de productivité permettront le maintien d’une croissance solide sans pressions inflationnistes. 

Enfin, le dot plot fait toujours ressortir trois baisses de taux en 2024 alors que certains observateurs s’inquiétaient de voir ce nombre tomber à deux. La légère hausse du niveau de taux jugé «approprié» à long terme montre que les membres du FOMC estiment que l’économie est en mesure de supporter un taux d’équilibre un peu plus élevé.

Boucles d’Or se serait-elle installée à Washington? Espérons qu’elle s’y plaira car de nouveaux revirements dans les discours des banques centrales ou dans le scénario privilégié par les investisseurs auraient des conséquences désagréables pour les marchés financiers.

Une inflation qui dépasserait à nouveau les attentes en avril ou des indicateurs montrant que l’économie américaine est proche de la surchauffe effaroucheraient certainement les colombes.

En Chine, le vice-président de la PBoC (People’s Bank of China) vient de rappeler que les marges de manœuvre sur la politique monétaire sont importantes, notamment sur le taux de réserve obligatoire (RRR – Reserve ratio requirement). En janvier, des propos analogues avaient précédé une baisse de 50pb de ce taux directeur et l’Assemblée nationale populaire (NPC – National People’s Congress) a rassuré début mars quant à la volonté des autorités de soutenir la croissance. D’où qu’elles viennent, les colombes devraient être bien accueillies par les investisseurs.

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